La guerre de la bande passante a-t-elle déjà lieu ?
Depuis le début du confinement généralisé, le télétravail s’impose pour tous les habitants de France ou outre-mer mais aussi partout en Europe. Les professionnels de l’informatique sont mobilisés pour permettre à tous les acteurs de continuer, autant que faire se peut, à travailler, à produire à distance dans de bonnes conditions de sécurité. Principalement basé sur l’utilisation des ressources internet pour permettre des échanges intra et inter-entreprises, le télétravail fait exploser le trafic des données et il n’est plus rare que les réseaux saturent temporairement ou que des services professionnels soient indisponibles.
Les Directions des Services Informatiques (DSI) savent généralement gérer la Qualité de Service (QOS) au niveau des infrastructures : les flux des applications critiques sont priorisés pour garantir leurs bonnes performances. Certaines sociétés adoptent également une répartition de charges entre plusieurs liens internet à débit garanti (Load Balancing), qui permet à moindre coût d’augmenter fortement les débits entrant-sortant pour chaque connexion distante.
Dans les foyers, il est par nature impossible de mettre en place une telle gouvernance. Les télétravailleurs doivent partager matériel et connexion avec tous les membres de la famille voire avec l’ensemble des voisins du fait que le débit de leurs connexions internet ne sont pas garantis contractuellement par les opérateurs. L’exceptionnelle connexion à distance pour boucler un dossier pour la réunion du lendemain devient quotidienne et permanente, elle se télescope avec les usages récréatifs des enfants, adolescents, des adultes qui bénéficient d’un temps libre illimité.
Vous pouvez noter ci-dessus les services qui vampirisent le plus les connexions internet :
- Les services de vidéo à la demande, VOD (Netflix, YouTube, PornHub)
- Les Visioconférences (Microsoft Teams, Zoom, Skype, Hangouts)
- Jeux en ligne (Steam)…
De façon générale, la vidéo est surconsommatrice en bande passante et en énergie, son usage est donc à limiter autant que possible lors des pics de connexion. Le jeudi 19 mars, sous pression de la Commission européenne, l’entreprise américaine Netflix a annoncé qu’elle diminuera la qualité de son streaming pendant 30 jours, le géant américain du streaming prend les devants de ce qui pourrait mener à terme à la remise en cause de son modèle économique ou pire à l’abandon de la sacro-sainte « Neutralité du net », les opérateurs pouvant privilégier certains flux plutôt que d’autres, au détriment des plus petits acteurs du marché.
Intelligence collective ou restrictions imposées ?
Les Espaces Numériques de Travail (ENT) pour les écoliers, collégiens et lycéens ainsi que l’indispensable téléconsultation en médecine sont les nouveaux entrants sur les flux à prioriser. Privilégier le Wifi ou le téléchargement nocturne des films sont des conseils récurrents des opérateurs pour soulager les réseaux. Malheureusement, cette injonction ne suffira pas à désengorger les tuyaux du net et il conviendra d’évangéliser, adopter et généraliser les bonnes pratiques.
Il n’y aura pas à transiger entre l’utilisation de distraction et les nécessités sanitaires et économiques du moment. Cela reste à chacun et donc à tous de réguler son usage d’internet, comme il a été demandé, puis imposé, à la population un confinement de plus en plus restrictif. Faudra-t-il bientôt produire un justificatif pour utiliser son ordinateur ou tablette comme il nous est demandé lorsque nous franchissons la porte de notre domicile ?
Dans cette reconfiguration de nos espaces de travail et de ses nouvelles contraintes, espérons qu’une forme d’intelligence collective émergera. L’enjeu sanitaire se double désormais d’un enjeu économique fort dans lequel le numérique prend toute sa dimension. De nouveaux gestes de solidarité émergent également, quelques supports vieillissants, mais qui ne nécessitent pas de connexions internet, se rappellent à notre bon souvenir : livres, DVD, BlueRay, jeux de société sont à partager dans nos immeubles, nos quartiers. Et pour en parler, pourquoi ne pas utiliser votre bon vieux téléphone filaire, prenez juste soin de bien vous laver les mains après ces « nouveaux échanges »…